LA COUR DE CASSATION NOUS OFFRE UN CADEAU DE NOEL !
L’une des opérations courante dans le cadre de la transmission d’un patrimoine consiste à loger des actifs immobiliers dans une société civile immobilière, si possible endettée et de transmettre via une donation, la nue-propriété des parts sociales à ses enfants.
Les parents conservent alors l’usufruit des parts sociales, c’est-à-dire le fruit provenant de ses parts sociales : c’est-à-dire les dividendes.
Il est de même pour les revenus fonciers lorsque la SCI est imposée à l’IR (SCI de location de biens immobiliers ne relevant d’une location de type saisonnier), ils reviennent à l’usufruitier ; le déficit foncier est attribué lui au nue propriétaire, qui est le véritable associé de la SCI.
Lors du décès des parents, les enfants deviennent les associés en pleine propriété de la SCI et sans que les droits de « succession » trouvent à s’appliquer.
La raison pratique est simple lorsque les parts sociales sont démembrés et que la SCI est endettée, la valeur de ces dernières peut être faible. D’autant plus que la valeur fiscale des titres est déterminée selon le barème de l’article 669 du CGI. La valeur imposable de l’usufruit viager et de la nue-propriété correspondante est alors fixée forfaitairement à une fraction de la valeur de la propriété entière, d’après l’âge de l’usufruitier, conformément au barème ci-après :
Âge de l’usufruitier | Valeur de l’usufruit | Valeur de la nue-propriété |
Jusqu’à 20 ans | 90 % | 10 % |
De 21 à 30 ans | 80 % | 20 % |
De 31 à 40 ans | 70 % | 30 % |
De 41 à 50 ans | 60 % | 40 % |
De 51 à 60 ans | 50 % | 50 % |
De 61 à 70 ans | 40 % | 60 % |
De 71 à 80 ans | 30 % | 70 % |
De 81 à 90 ans | 20 % | 80 % |
À partir de 91 ans | 10 % | 90 % |
Exemple :
Une SCI est détenue à 50% par monsieur et madame. Cette SCI d’un capital de 10.000 euros possède un appartement donné en location d’une valeur de 400.000 euros dont le prix d’achat a été financé par un apport en compte courant d’associés de 150.000 euros et un prêt de 250.000 euros. La valeur des parts sociales est égale à la valeur mathématique des titres soit la valeur marché de l’actif moins le passif.
Dans notre exemple, la valeur mathématique des parts sociales serait de 250.000 euros (valeur actif – passif : compte courant d’associé)
A la date de la donation, les deux parents sont âgés de 57 et 59 ans. Ils ont deux enfants.
Pour l’application des droits de mutations à titre gratuit, la valeur imposable de la donation est de 250.000 x 50 % (voir barème sur le tableau) = 125.000 euros.
Compte tenu que les deux parents disposent pour chaque enfant d’un abattement minimal de 100.000 € (soit en global 400.000 euros pour les deux parents et pour deux enfants), la donation de la nue-propriété des titres aux enfants ne donne pas lieu au paiement des « droits de succession »
Les parents ont utilisé chacun 62.500 euros d’abattement au titre de cette donation de titres.
Les seuls frais seront constitués par les honoraires perçus par le notaire qui établira l’acte de donation.
Si le compte courant d’associé a été remboursé par la SCI aux parents avant leur décès les enfants héritent sans frais d’un patrimoine d’une valeur minimale de 400.000 euros.
On rappelle que la cession des parts sociale de sociétés à prépondérance immobilière : c’est-à-dire les sociétés dont le patrimoine est pour l’essentiel composé d’actifs immobiliers, est soumise à un droit d’enregistrement proportionnel de 5%.
Dans le cadre de schéma patrimoniaux plus complexes, il est possible que les associés d’une SCI cèdent l’usufruit à titre temporaire de leurs titres non pas à une personne physique mais à une société de type holding.
Dans le cadre d’une personne morale : « Lorsque le titulaire est une personne morale, l’usufruit ne peut dépasser 30 ans (C. civ., art. 619) »
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, par acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012 au service des impôts des entreprises, les consorts (F) associés dans la société civile immobilière NSG, ont cédé l’usufruit temporaire des parts qu’ils détenaient dans cette société à la société [F] participations, qui a acquitté le droit fixe prévu à l’article 680 du code général des impôts.
Le 23 janvier 2015, soutenant que cet acte devait être soumis au droit d’enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l’article 726, I, 2°, du code général des impôts, applicable aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, l’administration fiscale a notifié à la société [F] participations une proposition de rectification des droits d’enregistrement pour l’année 2012.
Dans notre situation, l’usufruit des titres a été constitué pour une durée de 20 ans à une société.
Dès lors le contribuable oppose à l’administration, la thèse selon laquelle la société bénéficiaire n’est devenue propriétaire, avec la jouissance qui y est attachée, que de l’usufruit temporaire des parts sociales, les consorts [F] demeurant propriétaires des parts et assumant le risque capitalistique qui s’y attache ; qu’en jugeant qu’une telle cession devait être regardée comme une cession de participations, la cour d’appel a violé l’article 726 du code général des impôts !
La Cour de cassation confirme cette thèse et a jugé que la cession de l’usufruit de droits sociaux n’emportant pas la mutation de propriété, la cession de l’usufruit temporaire de parts de sociétés à prépondérance immobilière est enregistrée moyennant le paiement d’un simple droit fixe.
Par une décision inédite, la Cour de cassation juge que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas la mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit proportionnel d’enregistrement prévu à l’article 726 du CGI applicable aux cessions de droits sociaux.
Il en résulte que l’acte constatant la cession de l’usufruit temporaire de parts de sociétés à prépondérance immobilière est enregistré moyennant le paiement du seul droit fixe de 125 € prévu à l’article 680 du CGI (et échappe au droit de 5 %).
La Cour fonde sa décision sur les dispositions de l’article 578 du Code civil aux termes desquelles « l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre à la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance » et en déduit que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, de sorte que la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux.
La Cour d’appel de Colmar 7-11-2019 n°518/2019 avait jugé le contraire dans le cadre du schéma suivant :
Les associés d’une société civile immobilière (SCI) ont conclu avec une société B une convention destinée à permettre le financement de la construction, sur un terrain appartenant à la SCI, d’un immeuble devant être donné en location à la société B. Pour financer l’opération, les associés de la SCI ont apporté 75 000 € et la société B a « confié » auxdits associés une somme de 3 550 000 € à charge pour eux de souscrire à une augmentation de capital par augmentation de la valeur unitaire des parts.
En contrepartie, les associés de la SCI ont constitué au profit de la société B un usufruit temporaire d’une durée de quinze ans sur les parts sociales.
Les différents actes passés en exécution de cette convention réalisent une cession de la valeur de l’usufruit des parts sociales, taxable en application de l’article 726, I du CGI (droit proportionnel de 5%), dès lors que :
- les associés se sont dépouillés de l’usufruit de leurs parts sociales ;
- l’usufruit étant temporaire et limité à quinze ans, les associés ont vocation à récupérer à terme la pleine propriété des parts sociales (dont la valeur est passée, après réalisation de l’augmentation de capital, de 100 € à 36 350 €), de sorte qu’ils sont les bénéficiaires ultimes du versement de la somme de 3 550 000 €, laquelle constitue bien un prix, contrepartie de l’usufruit constitué en faveur de la société B.
BONNES FÊTES ET ON SE RETROUVE POUR COMMENTER LA LOI DE FINANCES POUR 2023 !