LA SOCIÉTÉ CIVILE – MODE D’EMPLOI – PARTIE I – Une histoire d’option et d’activité

La société civile est peut-être le type de société le plus connu, mais aussi le plus mal maîtrisé. Dans le schéma traditionnel, la société civile est immobilière car elle est la structure juridique retenue dès que l’on souhaite réaliser une opération immobilière.

Toutefois, il est tout à fait possible de créer une société de type SAS ou encore une SARL lorsque vous souhaitez recourir par exemple aux dispositions du crédit d’impôt outre-mer (article 244 quater W du CGI) : schéma dans lequel sous réserve de donner en location durant 5 ans un immeuble dans des conditions de loyers encadrés et à des locataires dont les revenus sont plafonnés, on obtient un crédit d’impôt égale à 35% « du prix revient » de l’opération.  En effet, ce dispositif requiert que la société soit imposée à l’impôt sur les sociétés et non à l’impôt sur le revenu. Et ces sociétés sont imposables à l’impôt sur les sociétés de plein droit contrairement à la société civile.

Ce n’est pas parce que la société a vocation à acquérir ou construire un bien immobilier à le louer que la solution de la SCI est la seule à retenir. En effet, si vous retenez cette forme juridique, il sera nécessaire que la SCI opte pour l’impôt sur les sociétés afin qu’elle puisse prétendre au bénéfice d’un crédit d’impôt outre-mer.

Le chemin est alors peu aisé pour le non spécialiste car il ne suffit pas d’écrire dans les statuts que la société a opté pour l’impôt sur les sociétés. Il faut réellement opter. Ce qui veut dire qu’il est nécessaire d’adresser à centre des impôts dont dépend la société, une lettre d’option.

Cette lettre doit remplir des conditions bien précises. C’est-à-dire qu’elle doit contenir :

  • La désignation de la société et l’adresse du siège social ;
  •  Les noms, prénoms et adresse de chacun des associés;
  • La répartition du capital social ou des droits entre les associés.

En outre, la lettre d’option doit être signée dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par tous les associés, membres ou participants.

Autrement dit, l’exigence de la signature de tous les associés ou participants de la société n’est requise que dans l’hypothèse où les statuts ne prévoient aucune modalité particulière d’exercice de l’option.

Cette manière de procéder est certainement la plus sur car s’il est permis de cocher l’option pour l’IS sur le formulaire CERFA (M0 – ligne 19) remis auprès du CFE (comme l’admet l’administration fiscale dans sa doctrine), il se pose le problème de la preuve lors d’un contrôle a posteriori.

En effet, dans le cadre d’un contrôle fiscal (soit plusieurs années plus tard), l’administration peut parfaitement vous demander d’apporter la preuve que vous avez régulièrement opté pour l’impôt sur les sociétés. Dans un tel cas, il est assez rare d’avoir conservé le formulaire déposé au CFE, surtout lorsque c’est un prestataire qui a créé votre société. Alors que vous avez plus de chance d’avoir conservé la copie de la lettre d’option avec la preuve de l’accusé de réception. Dernière chance, vous pouvez solliciter le CFE afin d’obtenir une copie du CERFA transmis à l’époque.

Attention, il faut opter dans les délais. Donc sauf si l’option est prise dans le cadre de dépôt du CERFA, il faut écrire à l’administration avant la fin du troisième mois de l’exercice au titre duquel l’entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l’impôt sur les sociétés. Par exemple, si je crée ma SCI en février 2021, avec un premier exercice débutant au 1er janvier 2021, il faut que j’opte avant le 31 mars 2021.

Il ne faut pas oublier que cette option est révocable. On peut très bien revenir à l’impôt sur le revenu. Mais cette renonciation est ouverte jusqu’au cinquième exercice suivant celui au titre duquel l’option a été exercée. Elle entraîne également des conséquences fiscales notamment en matière de droits d’enregistrement.

Rappelons que la SCI dont l’objet social et l’activité réelle sont civile au sens fiscal relève de l’impôt sur le revenu.

Ainsi, l’activité des sociétés civiles ayant pour objet exclusif la gestion d’un patrimoine immobilier par voie de location de locaux nus relève des revenus fonciers. Les membres personnes physiques de telles sociétés sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers à raison de la quote-part des résultats correspondant à leurs droits. Les bénéfices de la société sont donc imposés à l’impôt sur le revenu et ils sont déterminés en fonction des règles régissant les revenus fonciers. Mais attention, ils vont également être soumis aux prélèvements sociaux. L’addition risque d’être lourde lorsqu’on cumule impôt sur le revenu et prélèvements sociaux (17,2%), même si le régime du micro foncier peut être un moindre mal (abattement de 30% -uniquement pour l’IR- si les loyers annuels sont inférieurs à 15.000€).

Rappel des taux d’imposition pour les revenus de 2020

  • 11 % pour la fraction supérieure à 10 064 € et inférieure ou égale à 25 659 € ;
  • 30 % pour la fraction supérieure à 25 659 € et inférieure ou égale à 73 369 € ;
  • 41 % pour la fraction supérieure à 73 369 € et inférieure ou égale à 157 806 € ;
  • 45 % pour la fraction supérieure à 157 806 €

Vous pouvez donc acquérir une maison et la donner en location dans le cadre d’un bail d’habitation « classique », vos loyers seront soumis après déduction des charges inhérentes à ce logement à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.

Mais si vous décidez de donner en location ce même bien dans le cadre d’un contrat de location meublé (ou bien encore dans le cadre d’un bail mobilité), vos revenus seront alors taxés dans le cadre des BIC (bénéfices industriels et commerciaux), ce qui implique que la SCI devient automatiquement soumise à l’impôt sur les sociétés.

Ce changement de régime inopiné peut être encore plus douloureux, notamment si vous êtes un retraité. En effet, vous pouvez devenir un loueur en meublé professionnel presque sans vous apercevoir.

Vous êtes qualifié de loueur en meublé professionnel :

  • Si les recettes annuelles retirées de cette activité (total des loyers TTC, charges comprises) par l’ensemble des membres du foyer fiscal  dépassent 23 000 € sur l’année civile, y compris en cas de clôture d’exercice en cours d’année (plafond ajusté au prorata en cas de création d’activité en cours d’année),
  • Si ces recettes doivent être supérieures au montant total des autres revenus d’activité du foyer fiscal (salaires, autres BIC).

En effet, alors que vous êtes en activité, le montant des loyers n’est pas prépondérant par rapport à vos revenus alors qu’à l’heure de la retraite, ce montant peut être plus important que les rentes versées au titre de la retraite.

Cette qualification de loueur en meublé professionnel a notamment des incidences sur le traitement de la plus-value lors de la revente du bien loué.

Mon conseil pratique : la création d’une société civile pour un projet immobilier n’est pas une décision anodine et sans conséquences. Il faut en mesurer sur le long terme tous les aspects juridiques, fiscaux, patrimoniaux. Il est également nécessaire d’être très vigilant lorsque la SCI change d’activité réelle.

Nous verrons lors de prochains numéros que la SCI n’est pas un long fleuve tranquille.