Bertrand BOISSEAU

LA SCI : un nœud de complexité

LA SCI : un nœud de complexité La SCI est certainement la forme société la plus utilisée dans le cadre de la structuration du patrimoine. Toutefois, ce type de société possède un fonctionnement complexe. Cette dernière jurisprudence l’illustre parfaitement : Cass. 3e civ. 19-9-2024 n° 22-18.687 FS-B Les dividendes issus de la vente de tous les actifs immobiliers d’une SCI vont au nu-propriétaire Sauf convention contraire, les dividendes prélevés sur le produit de la vente de la totalité des actifs immobiliers d’une SCI reviennent au nu-propriétaire, le droit de jouissance de l’usufruitier s’exerçant sous la forme d’un quasi-usufruit. L’assemblée générale extraordinaire d’une société civile immobilière (SCI) décide de la vente de l’ensemble des actifs immobiliers de la société. Un dividende est distribué par prélèvement sur le produit de cette vente au cours d’une autre assemblée. Un associé détenant des parts en nue-propriété demande l’annulation de cette assemblée ainsi que l’extinction de l’usufruit pour abus de droit de jouissance de l’usufruitier ayant voté la distribution du dividende. Sauf convention contraire entre le nu-propriétaire et l’usufruitier de parts sociales, la distribution sous la forme de dividendes du produit de la vente de la totalité des actifs immobiliers d’une SCI revient au nu-propriétaire, le droit de jouissance de l’usufruitier s’exerçant sur la somme distribuée sous la forme d’un quasi-usufruit, dès lors qu’une telle distribution affecte la substance des parts sociales grevées d’usufruit en ce qu’elle compromet la poursuite de l’objet social et l’accomplissement du but poursuivi par les associés. Il en résulte que la décision de l’assemblée générale, à laquelle a pris part l’usufruitier, de distribuer les dividendes sur lesquels il jouit d’un quasi-usufruit, ne peut pas être constitutive d’un abus d’usufruit. La troisième chambre civile de la Cour de cassation reprend cette répartition dans un cas où le prix de vente n’avait pas été affecté aux réserves. Pour justifier sa solution, elle adopte une nouvelle approche du critère de l’atteinte à la substance aux droits sociaux : la substance des droits sociaux n’est plus assimilée à l’actif social mais à la poursuite de l’objet social et à l’accomplissement du but poursuivi par les associés. Cette nouvelle approche se fonde sur la définition de la société donnée par l’article 1832 du Code civil. Si elle est appliquée à d’autres sociétés que les sociétés civiles, cette nouvelle approche donnera vraisemblablement lieu à une appréciation au cas par cas de l’atteinte à la substance aux droits sociaux. On peut en effet supposer que d’autres distributions de dividendes seront susceptibles d’altérer la substance des droits sociaux comme par exemple en cas de dividende prélevé sur le prix d’un actif isolé mais essentiel à la société. Il en résulte que la faculté de déroger par convention à la répartition des dividendes, affirmée ici par la troisième chambre civile, imposera au nu-propriétaire et à l’usufruitier d’identifier avec soin les situations dans lesquelles la distribution de dividendes sera de nature à compromettre la poursuite de l’objet social et l’accomplissement du but poursuivi par les associés. Il semblerait que la troisième chambre civile considère que les droits du nu-propriétaire soient suffisamment sauvegardés par la constitution d’un quasi-usufruit.  Rappelons que ce droit de jouissance particulier, qui s’exerce sur des biens consomptibles que sont notamment les sommes d’argent, impose à l’ususfruitier de restituer le bien grevé en fin d’usufruit (C. civ. art. 587). Le nu-propriétaire pourrait se faire consentir des garanties par l’usufruitier lors du démembrement des droits sociaux pour se prémunir contre une absence de restitution des sommes.

LA SCI : un nœud de complexité Lire la suite »

COMPRENDRE LES LOIS DE FINANCES : UN OUTIL POUR LES RESSOURCES PUBLIQUES

COMPRENDRE LES LOIS DE FINANCES : UN OUTIL ESSENTIEL POUR LA GESTION DES RESSOURCES PUBLIQUES Les lois de finances jouent un rôle crucial dans la gestion des ressources et des dépenses de l’État. Elles sont votées chaque année pour définir et ajuster le budget national, permettant de garantir l’équilibre entre les recettes (impôts, taxes) et les charges publiques. Ces lois se déclinent en trois types : la loi de finances initiale qui établit le budget annuel, les lois de finances rectificatives qui ajustent le budget en cours d’année, et la loi de règlement qui clôture l’exercice financier. Elles permettent ainsi à l’État de prévoir et d’encadrer les moyens financiers mis à disposition pour la mise en œuvre des politiques publiques, tout en assurant une transparence budgétaire. Découvrez plus en détail le fonctionnement des lois de finances en téléchargeant notre document complet.

COMPRENDRE LES LOIS DE FINANCES : UN OUTIL POUR LES RESSOURCES PUBLIQUES Lire la suite »

Comment évaluer sa SCI sur le plan fiscal ?

Notre Cabinet est parfois confronté à la question portant sur l’appréciation des parts de SCI « dite familiale » c’est-à-dire le cas de SCI de petite taille dont les parts sociales sont possédées par un groupe familial où les parents sont le plus souvent majoritaires. Comment évaluer les parts de SCI dont la vocation est de gérer un patrimoine immobilier ? Cette évaluation est nécessaire dans plusieurs hypothèses, cession, donation, apport des parts de la SCI ou encore détermination de l’IFI. L’administration fiscale dans le cadre de son guide de l’évaluation nous donne des pistes, lesquelles doivent être analysées également au regard de la jurisprudence Les règles générales d’évaluation SCI de gestion ne disposant pas de revenus : Il convient de rechercher la valeur mathématique ou patrimoniale des parts sociales. Dans cette situation, la valeur est surtout liée aux caractéristiques physiques et géographique du bien immobilier (V. Cass. com., 9 juin 2015, n° 14-16.465) SCI de gestion percevant des revenus : L’Administration préconise une pondération des méthodes telles que la valeur patrimoniale, la valeur de productivité, caractérisée par la formule 3VM + VP/4 et validée par la Cour de cassation (Cass. com., 16 déc. 2020, n° 18-16.748) Pour les SCI soumises à l’IS et qui distribuent des dividendes, la valeur de rendement peut être utilisée. Décote pour non-liquidité Selon l’administration fiscale, dès lors que seule la valeur patrimoniale est retenue, un abattement pour non-liquidité peut être pratiqué. Il est destiné à prendre en compte l’absence de liquidité des biens immobiliers détenus au travers d’une SCI. Un taux de 10 % est préconisé mais l’administration fiscale n’est pas hostile à des décotes plus importantes La pratique des évaluateurs fait état de taux plus élevés. Notons une difficulté quant au champ de la décote pour non-liquidité, cette dernière étant souvent combinée avec une décote de minorité. De fait, les juges du fond ont tendance à fixer un taux de décote couvrant à la fois la non-liquidité et la situation de minoritaire. Ainsi, la Cour de cassation valide une décote de 20 % pour non-liquidité et minorité des parts (Cass. com., 9 juin 2015, n° 14-16.465) Décote pour occupation des biens loués Les décotes varient en règle générale entre 10 et 20 % de la valeur de l’immeuble (Cass. com., 9 févr. 2022, n° 19-22.861) Décote liée aux clauses d’agrément Lorsque les parts de la société ne sont pas librement cessibles, une décote est pleinement justifiée. Dans ce cas, une décote de 10 % pour clause d’agrément peut être appliquée : (Cass. com., 1er avr. 1997, n° 95-12.723) Décote pour fiscalité latente L’Administration refuse l’application d’une décote pour fiscalité latente et la jurisprudence également (CA Bordeaux, 20 mars 2023, n° 19/02401). Décote pour indivision Pour tenir compte de l’état d’indivision, il doit être appliqué une décote. Un taux de 20 % est souvent pris en compte. Un taux de 30 % a été retenu par la cour d’appel de Paris au cas d’une indivision entre une mère et son fils (CA Paris, 4 déc. 2003, n° 2002/07543). Cependant, la Cour de cassation a refusé un abattement en présence d’une indivision simple, entre une mère et son fils unique, laquelle ne présente aucune difficulté de gestion (Cass. com., 30 sept. 2020, n° 18-15.748).

Comment évaluer sa SCI sur le plan fiscal ? Lire la suite »

TAXE D’HABITATION ET LOCATION SAISONNIERE : on en reparle…….

En ces temps où la location saisonnière et les plateformes de location en ligne séduisent de plus en plus d’investisseurs à la Réunion, il est peut-être utile de faire un petit point sur les taxes et impôts dus par le bailleur. Au nombre des taxes pouvant être dues par un bailleur figure à côté de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe d’habitation. La taxe d’habitation est due principalement par toute personne qui a, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance de locaux meublés affectés à l’habitation.  Si cette dernière a été supprimée pour l’ensemble des redevables lorsqu’elle concerne la résidence principale, aux termes de l’article 1407, I-1° du CGI la taxe d’habitation est dû pour tous les locaux meublés affectés à l’habitation. En outre, le code général des impôts précise à son article 1408, I que la taxe d’habitation est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables. Pour que la taxe d’habitation soit due, il est donc nécessaire : –  que le contribuable ait la libre disposition de l’habitation ; –  que cette disposition présente un caractère de permanence suffisant. L’article 1451 du CGI précise lui que « La taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale sont établies pour l’année entière d’après les faits existants au 1er janvier de l’année de l’imposition. » À la lumière de ces différentes conditions, on peut donc s’interroger sur ses critères d’application de la taxe d’habitation à location saisonnière. À cette question une réponse ministérielle avait posé le principe suivant : « Les personnes qui donnent des logements meublés en location saisonnière sont imposables à la taxe d’habitation dès lors qu’elles en gardent la disposition en dehors des périodes de location. Le point de savoir si les logements destinés à la location saisonnière et gérés de manière permanente par un administrateur de biens peuvent être considérés comme ne constituant plus l’habitation personnelle du redevable dépend du libellé des contrats conclus entre l’organisme gestionnaire et le propriétaire (existence d’une clause prévoyant la mise en location à des tiers pour l’année entière) et de leur application effective. Il s’agit donc d’une question de fait que seuls les services locaux, sous le contrôle du juge de l’impôt, sont en mesure d’apprécier. »  Rép. Türk : Sén. 13-2-1997 p. 451 n° 18501. Dans la lignée de cette réponse ministérielle,  la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que le propriétaire qui propose, par l’intermédiaire d’une agence, un appartement meublé à la location saisonnière durant toute l’année en dehors des périodes où il s’en réserve la disposition pour lui-même est, en revanche, redevable de la taxe d’habitation, quelle que soit la durée de cette réservation et nonobstant son imposition à la taxe professionnelle (désormais remplacée par la cotisation foncière des entreprises) en qualité de loueur en meublé. En tel cas, celui-ci est en effet réputé avoir eu au 1er janvier de l’année d’imposition la disposition de l’appartement comme résidence personnelle. Le Conseil d’État dans sa décision : CE 30-11-2007 n° 291252, 8e et 3e s.-s., Largitte considère qu’il y a lieu de rechercher l’intention du propriétaire au 1er janvier de l’année d’imposition afin d’établir si le propriétaire est ou non redevable de la taxe d’habitation. Ainsi selon le Conseil d’État, si, au 1er janvier de l’année d’imposition, le propriétaire qui donne en location un logement meublé entend le louer de façon saisonnière en s’en réservant la jouissance en dehors des périodes de location, il est passible de la taxe d’habitation. Si, au contraire, il entend le louer tout au long de l’année le cas échéant à plusieurs locataires, il n’est pas passible de la taxe d’habitation. Un arrêt du Conseil d’État du 15 juin 2023 n° 468195 vient apporter une certaine conclusion à la question de l’application de la taxe d’habitation à la location saisonnière. En l’espèce, le Conseil d’État juge que des propriétaires d’un appartement, qu’ils louent meublé par l’intermédiaire de plusieurs sites de location en ligne, doivent être regardés comme en ayant eu la disposition au 1er janvier de l’année en litige, alors même que ce logement aurait été loué à cette date, dès lors que le logement était, au cours de cette année, mis en location pour de courtes durées et pour des périodes qu’il était loisible aux requérants d’accepter ou de refuser. Par suite, ils doivent être assujettis au titre de cette année à une cotisation de taxe d’habitation à raison de ce logement. Il est important de relever qu’il résulte des conclusions de la rapporteure publique que les requérants soutenaient que l’appartement avait été acquis au moyen d’un emprunt à des fins locatives ; qu’affecté à une activité commerciale de location meublée, il était destiné à être loué tout au long de l’année ; que l’équilibre financier de l’opération imposait qu’il soit loué toute l’année. Mais ces circonstances ne faisaient pas obstacle à ce que les requérants en disposent même pour de brèves périodes. À titre de conclusion, les propriétaires de biens donnés en location saisonnière, donc pour des périodes courtes et dont ils maîtrisent la faculté d’accepter ou non le contrat de location sont présumés disposer de ces biens au 1er janvier de l’année et doivent être soumis à la taxe d’habitation. On doit cependant s’interroger sur l’application de ce raisonnement à un bien confié à la gestion d’une société de conciergerie dont le contrat préciserait que les propriétaires confient la gestion du bien pour la totalité de l’année au prestataire, s’interdisant ainsi par contrat d’en disposer pour leurs propres besoins. Un petit audit de vos contrats s’impose peut-être et notamment également à la lumière de la gestion de la TVA : voir dans ce sens notre précédent article « défiscalisation – taxe sur la valeur ajoutée / para hôtelier ça veut dire quoi ? »

TAXE D’HABITATION ET LOCATION SAISONNIERE : on en reparle……. Lire la suite »

DEFISCALISATION – TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE / PARA HOTELIER CA VEUT DIRE QUOI ?

Dans le cadre des opérations de défiscalisation et notamment pour celles qui sont soumises au régime du crédit d’impôt outre (CIDOM) visé à l’article 244 quater W du CGI, le secteur éligible propre à l’immobilier est défini par deux domaines : Si le premier de ces deux domaines fait l’objet d’un périmètre précis : :logement d’habitation soumis au régime des baux de droit commun à la condition que le locataire remplisse les conditions de revenus et que les loyers soient plafonnés, le second domaine peut donner lieu à interprétation. La doctrine administrative est rédigée de manière négative : « Toutefois ne relèvent pas de ce secteur  [du secteur immobilier qui est en principe exclu sauf exception]   les activités de locations meublées lorsqu’elles constituent des hébergements touristiques de courte durée. Ainsi, les chambres d’hôtes, les gîtes ruraux et les meublés classés de tourisme seront présumés ne pas relever du secteur des activités immobilières lorsque les locations sont d’une durée limitée (location à la semaine, quinzaine ou au mois) et que les immeubles donnés en location sont affectés de manière pérenne à l’activité. » De cette rédaction, les opérateurs considèrent que la location meublée est éligible à des opérations de défiscalisation outre-mer et notamment au régime du crédit d’impôt. On ne fera pas plus de commentaires dans cet article, mais il est nécessaire de souligner que cette définition de l’activité éligible comporte des pièges à éviter. Du côté de la TVA, les choses sont aussi complexes. En effet un opérateur peut vouloir déduire la TVA grevant le prix de construction ou d’achat de son bien (on suppose que le bien est un immeuble neuf). Pour cela, il peut alors  « utiliser » les dispositions de l’article 261 D, 4° du Code général des impôts. En effet cet article précise que les locations meublées pour lesquels une prestation de services rendue ne sont pas des opérations exonérées de la TVA. Ainsi si l’opérateur souhaite que les loyers facturés à ses clients soit soumis à la TVA et par la même pouvoir déduire la TVA grevant les factures, il peut offrir certains services . L’administration commente la fourniture de ces services de la manière suivante : « L’activité parahôtelière est caractérisée par l’offre en sus de l’hébergement d’au moins trois des services suivants parmi les quatre qui sont cités au 4°-b de l’article 261 D du CGI : De cette rédaction, les opérateurs en concluent que le simple fait de disposer ou de proposer ces services peut suffire à soumettre la location à la TVA. Cette analyse est partiellement erronée et conduit à des redressements de la part de l’administration. En réalité, la taxation à la TVA sera acquise si et seulement l’opérateur agit comme un hôtelier et lui fait donc concurrence. On connaît peu de véritables hôtels qui ne font que proposer leurs services….. En outre, dans le cadre du montage de votre opération de défiscalisation, si vous souhaitez avoir un droit à déduction au titre de la TVA, vous devez être en mesure d’assumer réellement la réalisation des prestations de services comme un hôtelier. Aussi, il est nécessaire d’être très vigilant lorsqu’on confie la gestion de ce type de biens à une société de conciergerie. En effet, l’opérateur qui souhaite soumettre à la TVA les loyers facturés à ses clients doit être un véritable exploitant de son activité. La doctrine administrative nous dit : « L’exploitant est celui qui assume personnellement tous les risques de l’entreprise et qui est responsable vis-à-vis des clients, ce qui implique qu’il agisse en son nom propre à leur égard. Le recours à un intermédiaire agissant au nom et pour le compte de l’exploitant à l’égard des clients (mandataire) ne fait pas perdre au mandant sa qualité d’exploitant. » En revanche, si le « mandataire » ou le simple prestataire de services chargé de la gestion de l’établissement assume en fait les risques de l’exploitation ou agit en son nom propre à l’égard de la clientèle, il est considéré comme l’exploitant réel de l’établissement. » De cette rédaction, il faut en conclure que la rédaction du contrat qui vous est soumis par une entreprise de conciergerie doit être adaptée et écrit de manière à faire de l’opérateur un véritable exploitant, c’est-à-dire que ce dernier doit assumer les risques et qu’il est en conséquence responsable directement à l’égard de ses clients comme peut l’être un exploitant hôtelier. En conclusion, la réussite de ces opérations de cette nature suppose l’analyse et le suivi d’un professionnel de la fiscalité, car l’enjeu est le risque de perdre son avantage fiscal et la déduction de la TVA.

DEFISCALISATION – TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE / PARA HOTELIER CA VEUT DIRE QUOI ? Lire la suite »