En ces temps où la location saisonnière et les plateformes de location en ligne séduisent de plus en plus d’investisseurs à la Réunion, il est peut-être utile de faire un petit point sur les taxes et impôts dus par le bailleur. Au nombre des taxes pouvant être dues par un bailleur figure à côté de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe d’habitation. La taxe d’habitation est due principalement par toute personne qui a, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance de locaux meublés affectés à l’habitation. Si cette dernière a été supprimée pour l’ensemble des redevables lorsqu’elle concerne la résidence principale, aux termes de l’article 1407, I-1° du CGI la taxe d’habitation est dû pour tous les locaux meublés affectés à l’habitation. En outre, le code général des impôts précise à son article 1408, I que la taxe d’habitation est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables. Pour que la taxe d’habitation soit due, il est donc nécessaire : – que le contribuable ait la libre disposition de l’habitation ; – que cette disposition présente un caractère de permanence suffisant. L’article 1451 du CGI précise lui que « La taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale sont établies pour l’année entière d’après les faits existants au 1er janvier de l’année de l’imposition. » À la lumière de ces différentes conditions, on peut donc s’interroger sur ses critères d’application de la taxe d’habitation à location saisonnière. À cette question une réponse ministérielle avait posé le principe suivant : « Les personnes qui donnent des logements meublés en location saisonnière sont imposables à la taxe d’habitation dès lors qu’elles en gardent la disposition en dehors des périodes de location. Le point de savoir si les logements destinés à la location saisonnière et gérés de manière permanente par un administrateur de biens peuvent être considérés comme ne constituant plus l’habitation personnelle du redevable dépend du libellé des contrats conclus entre l’organisme gestionnaire et le propriétaire (existence d’une clause prévoyant la mise en location à des tiers pour l’année entière) et de leur application effective. Il s’agit donc d’une question de fait que seuls les services locaux, sous le contrôle du juge de l’impôt, sont en mesure d’apprécier. » Rép. Türk : Sén. 13-2-1997 p. 451 n° 18501. Dans la lignée de cette réponse ministérielle, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que le propriétaire qui propose, par l’intermédiaire d’une agence, un appartement meublé à la location saisonnière durant toute l’année en dehors des périodes où il s’en réserve la disposition pour lui-même est, en revanche, redevable de la taxe d’habitation, quelle que soit la durée de cette réservation et nonobstant son imposition à la taxe professionnelle (désormais remplacée par la cotisation foncière des entreprises) en qualité de loueur en meublé. En tel cas, celui-ci est en effet réputé avoir eu au 1er janvier de l’année d’imposition la disposition de l’appartement comme résidence personnelle. Le Conseil d’État dans sa décision : CE 30-11-2007 n° 291252, 8e et 3e s.-s., Largitte considère qu’il y a lieu de rechercher l’intention du propriétaire au 1er janvier de l’année d’imposition afin d’établir si le propriétaire est ou non redevable de la taxe d’habitation. Ainsi selon le Conseil d’État, si, au 1er janvier de l’année d’imposition, le propriétaire qui donne en location un logement meublé entend le louer de façon saisonnière en s’en réservant la jouissance en dehors des périodes de location, il est passible de la taxe d’habitation. Si, au contraire, il entend le louer tout au long de l’année le cas échéant à plusieurs locataires, il n’est pas passible de la taxe d’habitation. Un arrêt du Conseil d’État du 15 juin 2023 n° 468195 vient apporter une certaine conclusion à la question de l’application de la taxe d’habitation à la location saisonnière. En l’espèce, le Conseil d’État juge que des propriétaires d’un appartement, qu’ils louent meublé par l’intermédiaire de plusieurs sites de location en ligne, doivent être regardés comme en ayant eu la disposition au 1er janvier de l’année en litige, alors même que ce logement aurait été loué à cette date, dès lors que le logement était, au cours de cette année, mis en location pour de courtes durées et pour des périodes qu’il était loisible aux requérants d’accepter ou de refuser. Par suite, ils doivent être assujettis au titre de cette année à une cotisation de taxe d’habitation à raison de ce logement. Il est important de relever qu’il résulte des conclusions de la rapporteure publique que les requérants soutenaient que l’appartement avait été acquis au moyen d’un emprunt à des fins locatives ; qu’affecté à une activité commerciale de location meublée, il était destiné à être loué tout au long de l’année ; que l’équilibre financier de l’opération imposait qu’il soit loué toute l’année. Mais ces circonstances ne faisaient pas obstacle à ce que les requérants en disposent même pour de brèves périodes. À titre de conclusion, les propriétaires de biens donnés en location saisonnière, donc pour des périodes courtes et dont ils maîtrisent la faculté d’accepter ou non le contrat de location sont présumés disposer de ces biens au 1er janvier de l’année et doivent être soumis à la taxe d’habitation. On doit cependant s’interroger sur l’application de ce raisonnement à un bien confié à la gestion d’une société de conciergerie dont le contrat préciserait que les propriétaires confient la gestion du bien pour la totalité de l’année au prestataire, s’interdisant ainsi par contrat d’en disposer pour leurs propres besoins. Un petit audit de vos contrats s’impose peut-être et notamment également à la lumière de la gestion de la TVA : voir dans ce sens notre précédent article « défiscalisation – taxe sur la valeur ajoutée / para hôtelier ça veut dire quoi ? »